LANG SON


Le 2 décembre 1952, le 6° BPC reprend ses activités opérationnelles dans le cadre du nettoyage du delta tonkinois. Entre-temps, Giap a essuyé un nouvel échec, cette fois contre Na-San, et Salan décide de reprendre le contrôle du pays thaï et de protéger le Laos.

Le 26, le 6° BPC saute sur Ban-Son, un village à 30 km de Na-San. Dans l'après-midi, il découvre et détruit, un important dépôt d'armes. Le bataillon va crapahuter autour de Na-San, sur la RP 41 et sur les berges de la rivière Noire.

Le 5 janvier 1953, le bataillon reçoit pour mission de rayonner dans la région de Chien-Dong et de déceler toute présence VM.

Le 7, il occupe la cote 705, où il s'enterre et
s'organise défensivement autour du PC pendant 15 jours. De jour et de nuit, les compagnies effectuent des sorties, raids ou reconnaissances. Les embuscades se succèdent.

Dans les villages, les Thaïs sont contents de voir les paras. Les renseignements affluent.

Le 6° BPC veille sur son piton, améliore ses défenses : pièges, herses de bambous durcis au feu... Le ravitaillement et le courrier sont ache-minés de Na-San par la RP 41 ou parachutés quand le temps le permet.

Le 25, le 6° BPC s'installe à Chien-Dan pour des missions dans le secteur de la rivière Noire.

Le 3 mars, la 12° Cie tombe dans une embuscade à Muong-La. Mais les paras réagissent vigoureusement et renversent la situation. Les Viets laissent 13 morts sur le terrain et abandonnent 3 FM et 8 fusils.

Du 22 au 31, le 6° BPC participe au renforcement des défenses du camp retranché de Na-San.

Le 1 avril, le "6" abandonne ses travaux et ses barbelés pour un raid en direction de Moc-Chau, où se concentrent 9 bataillons VM qui vont attaquer Sam-Neua. Les violents accrochages à l'ouest de Yen-Chau confirment les renseignements.

Le 30 avril, en raison de la menace qui pèse sur le Laos, le bataillon est détaché à Louang-Prabang pour renforcer la garnison du camp retranché installé à Vientiane.

Avec l'arrivée des généraux Navarre et Cogny, le drame indochinois entre dans sa dernière phase.

Au mois de juillet 1953, ils expérimentent une formule de raids de destruction lancés sur des objectifs précis et soigneusement repérés, suivis d'un repli rapide en évitant les réactions ennemies. L'objectif choisi Lang-Son. La ville constitue la plus grande base logistique du VM. Admirablement camouflés dans des grottes de la périphérie, les dépôts sont invulnérables à l'aviation. C'est le test idéal, d'autant que les synthèses de renseignement précisent la position et la nature de ces dépôts au nord du Song-Ky-Cong. La préparation d'Hirondelle s'effectue dans le plus grand secret.

Le 17 juillet, un groupement TAP sera mis à terre en territoire VM. Le 6° BPC et le 8° GCP sauteront sur Lang-Son avec des éléments du génie parachutiste et du GCMA pour détruire les dépôts de Ky-Lua.

Le 17, à 5h50, 56 Bearcat et 10 B 26 décollent pour "traiter" les positions VM. Un peu plus tard, les Dakota enlèvent le groupement d'assaut. La totalité des hélicoptères du GATAC est mobilisée au profit de cette opération.

A Lang-Son, le ballet mortel de l'aviation a commencé. Depuis 7h50, les B 26 attaquent à la bombe de 250 kg le fortin de Ky-Lua et la grotte de Chua-Tien. Les Bearcat larguent des bidons de napalm et straffent tout ce qui court sur les DZ. A 8h10, à une demi-heure de l'horaire optimal, les Dakota arrivent sur l'objectif. Les paras du "6" atteignent très vite le sol (les sticks ont sauté à 150 mètres). La DZ s'étend de part et d'autre de l'ancienne voie ferrée du Yun-nan. Le 8° GCP atteri dans les rizières. Bigeard a installé son PC sur la RC 4 où plus un Français n'a circulé depuis le désastre d'octobre 1950. Les compagnies sont en action et fouillent le terrain autour de la DZ. La "11" progresse vers le nord tandis que la "12" verrouille le sud. A 9h15, le 6° BPC attaque les grottes 12 et 13. Le VM résiste comme il peut. A l'entrée de la grotte 13, la "11" est bloquée par une arme automatique. La 6 CIP qui essaie de déborder par le nord-ouest est prise sous le feu de mitrailleuses. Elle compte 1 mort et 2 blessés. Bigeard demande un appui aérien. Les Bearcat attaquent au napalm. A l'intérieur, les paras sont muets devant l'ampleur de leur découverte. Une énorme caverne abrite des caisses et des caisses de FM Skoda encore enveloppés dans du papier huilé, des camions Molotova et des moteurs de rechange, des pneus, des munitions, des roquettes, de l'explosif, des fûts d'essence, des milliers de piastres ...

Un ordre arrive du PC : "1 division VM approche.Décrochage dans une heure." Il va falloir aller très vite et prendre des libertés avec le règlement "explos et destructions". Plastic bourré dans les caisses de FM, grenades incendiaires sur les fûts d'essence, plastic encore pour les camions, des mines piégées, des crayons retard disséminés un peu partout et 6 mises à feu. Il faut que ça pète, car on ne pourra pas revenir. Mise à feu et repli. Une pétarade ininterrompue commence. Une fumée noire s'élève par une cheminée naturelle dans le piton.

De son côté, le 8 GCP a atteint ses objectifs et procédé à la destruction de la grotte 309. Pour faciliter le repli, les ponts sont détruits, la RC 4 est minée et les voies d'accès à Lang-Son sont piégées.

A 18 heures, le 6° BPC quitte la ville. Mais, comme à Tu-Lê, une véritable course à la mort s'engage entre le "bataillon Zatopek" et les VM. Il s'agit de parcourir 20 km au pas de gymnastique, jusqu'à Loc-Binh, où le 2 BEP tient le pont sur le Song-Ky-Cong. La chaleur est torride, l'air irrespirable. Au 6° BPC, 1 homme tombe victime d'un coup de chaleur. Malgré les soins, le parachutiste succombera à l'aube.

A 1h30, le 18 juillet, les premiers éléments du 6° BPC font leur jonction avec le 2° BEP. Ils passent le fleuve avant de s'écrouler ivres de fatigue. Au réveil, une mauvaise nouvelle attend les paras : il faut encore marcher; le GM 5, retardé par les Viets, n'a pu dépasser Dinh-Lap. A 17 heures, la marche reprend. A 5h, le 19, tout le groupement est rassemblé à Dinh-Lap.

Le 20, les paras sont de retour à Hanoi. Le raid est un succès.
Les bataillons rentrent pratiquement sans pertes. Jamais un coup de cette force et de ce style n'avait été porté à l'ennemi.